25 novembre 2015

[Riposte Catholique] Les évêques anglais veulent une drôle de révision de la forme extraordinaire du rite romain

SOURCE - Riposte Catholique - 25 novembre 2015
Il y a quelques jours, la conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles a émis plusieurs résolutions à l’issue de son assemblée plénière. Parmi ces résolutions, une demande adressée à la commission Ecclesia Dei visant à la révision de l’oraison pour les juifs du Vendredi saint, qui figure dans la forme extraordinaire du rite romain. La révision est souhaitée « à la lumière de la compréhension de Nostra Aetate des relations entre l’Église catholique et le Judaïsme ». On notera qu’en 2008, la prière en question avait déjà été modifiée. On peut déjà, respectueusement, s’interroger sur l’opportunité d’une énième révision, alors que l’on croyait la cause entendue. En français, l’oraison du Vendredi saint dans la forme extraordinaire du rite romain est donc ainsi rédigée:
Prions aussi pour les Juifs. Que notre Dieu et Seigneur illumine leurs cœurs, pour qu’ils reconnaissent Jésus Christ comme le Sauveur de tous les hommes. – Prions. – Fléchissons les genoux. – Levez-vous. -Dieu éternel et tout-puissant, qui voulez que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, accordez, avec bonté, que, la totalité des nations étant entrée dans ton Église, tout Israël soit sauvé. Par le Christ notre Seigneur. Amen.
C’est pourtant cette version de 2008 que les évêques anglais souhaitent modifier. En outre, si on lit Sacrosanctum consilium ou même Nostra Aetate, aucun des textes cités ne réclame une telle révision de cette partie de la liturgie romaine. Entre 1962 et 1965, les pères conciliaires ont même célébré la forme dite extraordinaire du rite romain (édition de 1962, puis de 1965), sans avoir de cas de conscience ou de frayeur. En 1959, Jean XXIII, avait donné son accord pour un exorde moins offensant de l’oraison (remplacement de Oremus pro perfidis Iudaeis par Oremus pro Iudaedis) ainsi qu’à une légère modification du contenu de la prière (remplacement de « iudaicam perfidiam » par « Iudaeos »), mais n’avait pas modifié la prière en tant que telle, ni même changé de liturgie (au point même de refuser certaines réformes accomplies sous Pie XII…).

On se demande pour quelles raisons cette question redevient prioritaire, et surtout pourquoi une énième focalisation sur la forme extraordinaire de la liturgie romaine. Pourtant, de nombreux observateurs se plaignent de la disparition de tout sens liturgique chez les fidèles et de l’absence de traductions correctes. Il y a des dossiers prioritaires, pour ne pas dire urgents. Les deux derniers synodes romains ont révélé un effondrement de la piété tant chez les fidèles que chez les clercs, au point même que l’on soit, en haut-lieu, conscient de la situation des Églises de certains pays… La question du péché mortel, de la confession ou la nécessité d’être en état de grâce est posée avec acuité. Les évêques anglais ont, en effet, fort à faire: en Angleterre, l’Église catholique met laborieusement en place une traduction plus fidèle au Missel romain. En France, une meilleure traduction est prévue en France pour l’année 2017. En quarante ans, cette prière a connu quatre modifications. Pourtant, il y a des chantiers plus importants…

On ne sera pas étonné que ce sont les Église les plus sécularisées qui réclament de telles révision. On apprend ainsi par une note rajoutée par les évêques anglais sur leur site que les évêques anglais rejoignent leurs confrères d’Allemagne pour que soit modifiée la prière de 2008; Mgr Kevin Mc Donald, président du comité pour les relations entre juifs et chrétiens de la conférence épiscopale anglaise, estime que cela crée de la confusion et de l’étonnement auprès de la communauté juive. Il précise que l’enseignement actuel de l’Église n’exige plus la conversion des Juifs (ce qui reste à prouver si l’on recourt aux textes magistériels). Il est vrai que la conversion, y compris des juifs, cela passe mal, quand le dialogue est proclamé tous azimuts… D’autre part, on se demande en quoi l’existence du dialogue interreligieux interdirait toute conversion. Tous les hommes sont concernés par le Christ. Ce qui est en cause, c’est l’universalité de la Rédemption et le risque, paradoxal, d’une conception sociologique du catholicisme qu’entraînerait un tel relativisme (l’Église catholique deviendrait une communauté purement sociologique, dans le panorama des religions, alors qu’elle est aussi le Corps mystique du Christ)…

Question subsidiaire: les modifications liturgiques et le dialogue interreligieux, tous deux menés depuis cinquante ans, ont-ils conduit à l’approfondissement corrélatif de la foi et du sens liturgique ? (Le parallèle peut être fait entre ces deux démarches, car de nombreuses similitudes s’y retrouvent: ). La piété des fidèles et la foi en sont-elles sorties renforcées ? Peut-on être rassuré, alors que les statistiques démontrent un effondrement de la pratique religieuse dans les sociétés occidentales?